Taksim-Ankara-Taksim

Un mois après le départ en Palestine (expérience forte mais quelquefois oppressante), je pars 3 semaines en vacances, en Turquie, en amoureux.

Le 19 mai 2013, nous débarquons Place Taksim, à Istanbul, où nous attendons notre hôtesse, Füsun. L'atmosphère est tendue, nous ne saisissons pas ce qui se passe. Quelques heures plus tard nous découvrons que c'est le jour d'Atatürk, le héros national, qui fût le premier président de la Turquie en 1923 lorsque le pays est devenu laïc.

Nous quittons après 3 jours de visites et déambulations stambouliotes, la mégapole, pour découvrir d'autres splendeurs de la Turquie. En Cappadoce, nous apprenons dans les média français que des manifestations violentes ont éclatées à Taksim suite à la volonté gouvernementale de remplacer Gezi Park par un centre commercial et de mettre en place des mesures plus conservatrices et religieuses.

Nous rejoignons comme convenu mon amie française, Aurélie, expatriée à Ankara, le 2 juin. Elle vient nous chercher à la gare routière avec son colocataire turc, Görkem. Ils nous expliquent ce qui se passe, les enjeux de ces mouvements populaires de voir leurs acquis laïcs s'effondrer. Ce n'est pas seulement la jeunesse qui est révoltée, mais bien la population en masse.

Je suis toute excitée de vivre ce moment unique.

Le lendemain nous partons en couple découvrir le vieil Ankara, perché sur une colline. Mais nous abandonnons de prendre le métro : les lacrymo de la veille envahissent nos bronches, nous piquent les yeux et nous serrent la gorge. Au retour, curieuse de voir ce qui se passe de plus près, je convaincs mon compagnon de rentrer par les grandes artères. A peine je veux photographier les manifestants que nous sommes pris au piège par les lacrymo. Pas le choix, comme tous, de cavaler pour se mettre à l'abri. La police ne plaisante pas, ce n'est pas l'ambiance festive et bon enfant des manifestations que je connais en France.

En fin d'après-midi, je suis pressée de retrouver Aurélie et son coloc pour échanger sur les nouvelles et de se raconter notre journée. Görkem, depuis le début, rejoint des amis et manifestent munis de lunettes de piscine et de foulard, le rudiment des manifestants au front. A 21h nous décidons de partir tous les quatre — armés de casseroles et de cuillères — soutenir joyeusement et en toute sécurité les familles qui s'amassent au coin des rues.

Le lendemain, nous nous rendons à Kugulu Park, lieu de rassemblement des opposants au premier ministre Erdoğan, au gouvernement depuis 10 ans.

Nous retournons à Taksim pour les 3 derniers jours de notre voyage, mais cette fois-ci avec un autre regard. Nous atteignons péniblement (car, bus, taxi, marche) l'appart de Füsun. Tout a changé en quelques jours. Nous reconnaissons à peine la place, ravagée par les mouvements violents. Un trou béant se trouve à la place des travaux, des voitures et des cars sont renversés et brûlés, Gezi Park est transformé en camping. Le soir on dirait la fête de l'huma et la journée, un musée à ciel ouvert sur une guerre.

En août 2014, Erdoğan devient le premier président de la république de Turquie, élu, dès le premier tour de scrutin, au suffrage universel direct. L'un des aspects essentiels de la politique menée par Erdoğan est un ancrage du pays vers un conservatisme religieux plus affirmé.  

Taksim, Istanbul, 19 mai 2013
Ankara 2,3 et 4 juin 2013
Taksim, Istanbul, 5 et 6 juin 2013
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